Les modes de communication des chartreuses de Franconie avec leur ordre et leur environnement socio–politique, 1328 – 1535

Dans le cadre du collège européen 625 “Ordres institutionnels, écrits et symboles” un travail sur les formes de communication de l´ordre des chartreux en Franconie offre la possibilité d´éclairer le fonctionnement théorique d´un ordre religieux assez peu étudié jusqu´à présent dans un petit territoire. Les chartreux, ayant fait væu de silence, l´écriture semble, a priori, être le seul moyen d´expression à leur disposition. Une analyse de ce média, mais aussi une étude du rôle symbolique que jouait l´ordre des chartreux dans la petite région de Franconie éclairera les multiples facettes que la communication cartusienne pouvait prendre durant le bas Moyen Age.

L´ordre des chartreux étant un ordre institutionnel, sa communication officielle doit être normée. Le chapitre général annuel est l´organe de direction de l´ordre; il permet la mise en réseau des différentes maisons avec la Grande Chartreuse, mais aussi des chartreuses entre elles. Ce mode de communication normé est complété par un autre mode, plus informel, nécessaire à chaque maison pour établir une relation avec son environnement. Celui–là est réglé selon les nécessités et les attentes spécifiques à chaque région, ici la Franconie. Quels furent les sujets et les objets de la communication des chartreuses avec leur ordre ? L´ordre avait–il un pouvoir d´intervention sur les affaires courantes des chartreuses de Franconie ? Dans quels buts et par quels moyens s´établissaient des relations entre les chartreuses et le monde ?

La première chartreuse franconienne de Grünau a pour fondatrice la comtesse de Wertheim en 1328, le prestige de cette fondation permit à l´ordre des chartreux de se diffuser rapidement dans la région et d´atteindre en 1451 le nombre de six maisons. L´évêque de Würzburg procéda à deux fondations: en 1350 dans la ville épiscopale et en 1351 à Tückelhausen, après avoir expulsé les moniales prémontrées de leur monastère. En 1380, le bourgeois Marquard Mendel fonda à son tour une chartreuse urbaine dans la ville impériale de Nuremberg. Il fallut attendre le XVème siècle pour que chevalier de Seinsheim érigeât la chartreuse d´Astheim en 1409 puis 1451 pour que l´écuyer de Fere donnât son château d´Ilmbach à l´ordre religieux afin d´y installer une communauté de chartreux. Les troubles de l´an 1525 marquèrent pour les chartreuses franconiennes la fin de l´époque médiévale. La guerre des paysans également en 1525 poussa les religieux à la fuite, laissant leurs maisons aux pilleurs et incendiaires. Plus grave, les progrès de la Réforme dans la ville impériale de Nuremberg furent tels, que le Conseil décida de dissoudre définitivement la communauté. Les dates de 1328 et de 1525 marqueront donc les limites temporelles de ce travail.

Il n´est pas question ici d´écrire l´histoire des chartreuses de Franconie, mais plutôt de mettre en lumière le fonctionnement d´un ordre religieux homogène dans une région où les modes de gouvernement étaient, eux, très divers. En premier lieu, il est nécessaire d´expliquer la géographie cartusienne dans cette partie de l´Europe aux XIV et XVèmes siècles. Deux évêchés nous concernent ici plus particulièrement: Würzburg et Bamberg. L´ordre des chartreux y a très certainement été un instrument de la représentation nobiliaire en Franconie, mais fut rapidement récupéré par la bourgeoisie de la ville impériale nurembergeoise puis, plus tard, par la petite noblesse de la région. La géographie cartusienne dans cette partie de l´Empire ne peut être expliquée uniquement par le biais de l´étude des fondateurs, il est nécessaire de prendre en considération le tissu monastique de la région. En 1328, l´ordre des chartreux représentait un nouvel ordre, totalement inconnu en Franconie, quand bien même il existait depuis déjà près de 250 ans. Que pouvaient donc proposer les chartreux de si original et de si attrayant pour que les Franconiens procèdent à six fondations? De même, on peut se poser la question du projet cartusien dans cette région puisque les six chartreuses se regroupent sur un territoire de surface étonnamment petite.

Les deux niveaux de communication, interne et externe à l´ordre, précédemment présentés seront étudiés ici à l´appui de différentes sources. Les protocoles des chapitres généraux (cartae), les protocoles de visites de provinces, ainsi que les textes normatifs relatifs à la règle des chartreux seront là les sources pour l´étude de la communication officielle. Le second niveau de communication concerne les relations qu´entretenaient les chartreux avec le monde et en particulier avec leur environnement immédiat. Les sources nécessaires à ce travail ne sont pas encore clairement établies, car elles dépendent des fonds présents dans les différentes archives de la région. Actes de la pratique et chroniques devraient permettre une mise en évidence des rapports que les chartreuses entretenaient avec leurs fondateurs et bienfaiteurs, avec l´ordinaire, ou enfin avec les populations dont elles partagent le désert. Dans un second temps, une étude des représentations sera proposée par le biais d´un catalogue critique des fonds bibliothécaires des chartreuses de Franconie, mais aussi par les quelques manuscrits écrits par les chartreux pour les laïcs de la fin du XVème siècle.

I) Le réseau monastique et l´implantation de l´ordre des chartreux en Franonie

C´est bien par la volonté de quelques personnalités, laïques aussi bien qu´ecclésiastiques, que l´ordre des chartreux se diffusa en Franconie et non par le phénomène plus classique de filiation. La comtesse de Wertheim, puis, immédiatement après elle, l´évêque de Würzburg introduirent l´ordre des chartreux dans leur région, plus particulièrement dans le diocèse de Würzburg – duché de Franconie, afin de présenter un modèle de religiosité stricte. L´ordre des chartreux, tout au moins jusqu´au XIVème siècle peut être considéré comme un ordre de la noblesse, en partie à cause du caractère même des chartreuses: l´ordre étant contemplatif, l´économie de chaque chartreuse repose uniquement sur la fortune des fondateurs et bienfaiteurs. L´incorporation d´une nouvelle maison ne pouvait avoir lieu qu´après que le chapitre général se fut assuré des revenus de la communauté. Et jusqu´au début du XIVème siècle, seule la noblesse avait les moyens de prétendre à la survie d´une communauté cartusienne. La stricte observance de la règle depuis la fondation de l´ordre au début du XIIème siècle assurait par ailleurs aux chartreux un certain succès. Ils avaient évités tous les écueils temporels, mais aussi spirituels, qui avaient terni l´image de nombreux autres ordres religieux. L´histoire personnelle de la comtesse de Wertheim, qui tua accidentellement son époux durant une partie de chasse, explique en grande partie le choix qu´elle fit de fonder une chartreuse: son salut n´était assuré que par la prière des chartreux. Les motivations de l´évêque de Würzburg de fonder deux chartreuses avec si peu d´intervalle entre les deux fondations, mais surtout juste après la Grande Peste, se laissent en partie expliquer par l´histoire régionale. La chartreuse urbaine würzbourgeoise peut être vue comme un acte d´expiation de l´évêque pour avoir laisser perpétrer un pogrom dans sa ville en 1347, mais il est aussi possible qu´il voulut offrir aux autres puissantes communautés religieuses de la ville un modèle d´humilité. En ce qui concerne Tückelhausen, la fondation d´une chartreuse démontrait la volonté politique de l´évêque de mettre fin à une certaine forme de déchéance monastique dans son diocèse. Durant une décennie, les moniales prémontrées de Tückelhausen avaient été mises en demeure d´assainir et leurs finances et leur mode de vie. Le déguerpissement des moniales aussitôt remplacées par des chartreux permettait à l´évêque de régler astucieusement un problème qui commençait à durer.

Avec la fondation urbaine du bourgeois Marquard Mendel à Nuremberg en 1380, l´ordre des chartreux échappe à l´aristocratie. Cette “popularisation” de l´ordre des chartreux est relativement fréquente en terre d´Empire, certainement parce qu´elle a tendance à accompagner la montée en puissance du tissu urbain. Les fondations des chartreuses d´Astheim (1409) puis d´Ilmbach (1451), respectivement par le chevalier de Seinsheim et par l´écuyer de Fere, mettent bien en évidence la fin des rapports privilégiés qu´entretenait la haute noblesse avec l´ordre des chartreux. Pour autant, il est bon de rappeler que même si la petite noblesse récupéra l´ordre, celui–ci nécessitait une solide assise financière, ce qui signifie bien que la petite noblesse franconienne qui nous concerne ici n´était pas sans le sou. D´autre part, il est intéressant de constater que cette élite franconienne était déjà responsable de la construction du réseau monastique présent avant 1328. L´étude de ce paysage monastique et de son instrumentalisation par la noblesse aidera à la compréhension du rôle symbolique dévolu aux chartreux.

Bien que la Grande Chartreuse fût érigée en 1081 et que l´ordre se fût rapidement constitué et diffusé, il ne s´établit en terre allemande qu´au XIVème siècle avec la prestigieuse fondation de la chartreuse de Mayence en 1320. La seconde maison de chartreux en Allemagne est celle de Grünau, en Franconie, détail qui importe plus qu´il n´y paraît. Il semblerait que cette chartreuse eut pour mission d´organiser la diffusion de l´ordre vers l´Europe de l´Est; seulement, aucune filiation ne fut entreprise par la communauté, qui resta elle–même de taille vraiment minime. Pour mieux comprendre l´implantation de l´ordre des chartreux en Franconie, il est nécessaire de se reporter à l´évolution de la province cartusienne d´Allemagne inférieure. La géographie cartusienne est organisée selon un système de provinces, dont le découpage est décidé durant le chapitre général. Durant l´époque retenue pour ce travail (1328 – 1525), l´accroissement rapide du nombre des chartreuses, imposa au chapitre général de redéfinir à plusieurs reprises les limites de la circonscription administrative que constituait la province d´Allemagne inférieure.

Deux prieurs désignés annuellement par le chapitre général avaient pour tâche de visiter les chartreuses de leur province. Ces visites étaient rapportées dans un protocole envoyé prieur général au moins 100 jours avant la tenue du chapitre général. Ces rapports de visite donnaient au prieur général d´avoir connaissance de tout ce qui se passait dans toutes les chartreuses afin de les aider à surmonter leurs difficultés ou bien les corriger si elles s´écartaient de la stricte observance de la règle, mais surtout afin d´assurer la cohésion de l´ordre s´étendant sur l´ensemble de l´Europe. La règle des chartreux prévoit de détruire les protocoles de visite dès qu´un plus récent parvient à la Grande Chartreuse. De ce fait, pratiquement aucune de ces sources n´existe encore, sauf lorsque les visiteurs oubliaient de détruire leurs protocoles. Quelques exemplaires de ces formulaires ont été retrouvés ces dernières années en Autriche, et il est possible, qu´il s´en trouve aux archives d´Erfurt. En outre l´activité des visiteurs ne se limitait pas toujours à la visite. La riche correspondance qu´entretenaient parfois les visiteurs avec des prieurs, des pères ou même des novices de leur province, comme l´illustre la correspondance d´Heinrich Egher von Kalkar, met l´accent sur le besoin qu´avaient parfois les chartreux de demander conseil hors de leur propre clôture. Naturellement, il ne reste aucune trace d´une communication orale, qui a aussi existé, entre chartreux, mais les lettres, médias de cette communication sont pour ce travail une source de première importance. De même, les chroniques de la chartreuse de Nuremberg, écrites par l´ancien chartreux Sixt Oelhafen en 1551 mettent en évidence l´échec de la communication aussi bien écrite qu´orale entre la communauté et les visiteurs. La fermeture de la chartreuse fut la conséquence directe de cet échec, même si bien évidemment les troubles de la Réforme étaient à la source des troubles à Nuremberg.

L´étude du symbole que représentait l´ordre des chartreux pour la Franconie, la comparaison avec le réseau monastique déjà présent sur le terrain, et la mise en évidence des relations et modes de communication d´une micro–structure qu´est la chartreuse avec l´ensemble de la province devraient permettre de changer d´échelle pour passer à la macro–structure qu´est l´ordre des chartreux lui–même.

II) La commnunication officielle par de l´ordre des chartreux avec ses maisons

L´organe institutionnel majeur de l´ordre des chartreux est constitué par le chapitre général qui se tient annuellement à la Grande Chartreuse où l´ensemble des prieurs est tenu de se présenter. Avant même de commencer la tenue du chapitre général, un groupe de huit prieurs est élu par l´assemblée afin de constituer le définitoire. C´est ce collège, sous l´autorité du prieur général, qui mène les délibérations du chapitre général. Tout d´abord, l´ordre dresse le nouvel obituaire, unique occasion, souvent, de connaître les chartreux car ces religieux ne vivaient que pour Dieu, et l´humilité imposée par la règle voulait que seule une croix de bois nue, anonyme, soit dressée sur la tombe des chartreux. L´obituaire du chapitre général n´avait alors pas pour but de devenir une oraison funèbre, mais simplement de permettre à l´ensemble de l´ordre de prier pour un frère disparu. L´obituaire est fait pour entretenir la memoria. Il s´agit ensuite pour le chapitre général d´établir les nouveaux statuts nécessaires pour la survie de l´ordre. S´il en est besoin, un statut peut être prolongé d´une année sur l´autre, mais il perd alors sa nature de statut pour devenir une règle, dans ce cas obligatoire pour l´ensemble de l´ordre et non modifiable. L´originalité de l´ordre des chartreux, qui est aussi le motif de nombre d´attaques du XIVème siècle, est de ne pas avoir de règle clairement définie, chaque nouveauté ou changement ne peut être effectué que pendant le chapitre général où toutes les chartreuses sont représentées. Suit le cas par cas, au cours duquel chaque chartreuse est passée en revue. Selon la coutume, le prieur demande à être relevé de sa charge, et le définitoire accède ou non à sa requête. Puis une discussion avec le prieur est entreprise pour régler les éventuels problèmes que rencontre la chartreuse. Ces négociations sont une sorte de réponse aux protocoles de visite qui ont été auparavant envoyés à la Grande Chartreuse par les visiteurs de la province. La communication entre l´ordre et la chartreuse se fait donc verbalement, dans le cadre du chapitre général, et une trace écrite en est conservée dans les protocoles de chapitre, les cartae. Si la première étape de la communication entre la chartreuse et l´ordre ne peut se faire que par l´intermédiaire de la visite et du protocole que dresse le visiteur, l´ordre poursuit en s´adressant directement au prieur, auquel est alors tout simplement présentée la possibilité de répondre et de se défendre si nécessaire. Enfin, le définitoire nomme les visiteurs en charge pour l´année suivante et par là renouvelle le cycle communicatif assurant la cohésion de l´ordre.

1328 – 1525 représentent trois siècles de cartae et de fait la possibilité d´étudier l´évolution de l´ordre à l´exemple des quelques chartreuses de Franconie. Par ailleurs, la période du Grand Schisme entraîna aussi quelques changements dans l´organisation de l´ordre, puisqu´en 1380 le prieur général se prononça en faveur de Clément VII et déclencha par là même le schisme de l´ordre. Les chartreuses de Franconie, clémentinistes, changèrent rapidement d´obédience et les prieurs ne se rendirent plus au chapitre général de la Grande Chartreuse, mais au chapitre général de Seitz, d´obédience urbaniste. Les sources disponibles pour l´ensemble de la période se constituent donc en grande majorité par les cartae des chapitres généraux en cours d´édition. Logiquement, les cartae sont doublées pendant le Grand Schisme et la comparaison des statuts et délibérations mettent certainement en évidence les particularités des chartreuses situées en terres d´Empire. D´autres sources pourront être utilisées, comme par exemple les actes de confirmation de la chartreuse de Nuremberg établis par la curie avignonnaise aussi bien que romaine; mais aussi les multiples actes conservés par les chartreuses de Franconie durant cette période. La communication ordre – chartreuse sera donc appréhender par le biais du chapitre général, plus haute instance de l´ordre. Dans quelle mesure la norme imposée par l´ordre fut–ele appliquée par les communautés elles–mêmes?

III) Les chartreuses de Franconie et leurs relations avec leur environnement socio–politique

Les relations qu´entretenaient les chartreux avec leur environnement socio–politique pouvaient d´être de plusieurs natures. Prêtres, les chartreux dispensaient occasionnellement l´office hors de leur clôture. Propriétaires et parfois même seigneurs terriens, ils devaient assurer leurs revenus. Lettrés, une de leurs activités quotidiennes était l´étude et la copie de manuscrits. Pour cette dernière partie, il importe donc tout d´abord de connaître les hommes qui ont constitué l´ordre des chartreux en Franconie de 1328 à 1525. Une prosopographie exhaustive n´est pas envisageable, ni d´ailleurs souhaitée, simplement une brève description de la population cartusienne de Franconie. La nature des différentes chartreuses de la région joue ici un rôle de première importance, car le bassin de recrutement d´une maison sera différent selon qu´elle se trouve dans une ville comme Nuremberg ou Würzburg, ou bien qu´elle se trouve dans le “désert” de Franconie, la forêt de Steigerwald. Trop peu d´inventaires de personnes ont été laissés par les chartreux pour prendre l´ensemble de la population cartusienne franconienne en considération. Cependant, les archives suffisent pour s´intéresser au moins aux deux chartreuses urbaines et à l´ensemble du groupe des prieurs.

L´interaction d´une communauté cartusienne se réduisait au strict minimum, et afin d´éviter aux pères de sortir de leur ermitage et donc de leur prière pour les affaires courantes, la communauté se reposait sur le travail des frères convers, dont la règle était moins sévère. Seuls les conflits des chartreuses avec les populations environnantes seront donc pris en considération dans ce travail. Les archives juridiques des chartreuses montrent qu´un médiateur, généralement un protecteur de la maison, assurait le dialogue entre les deux parties. La communication des chartreux avec les paysans restait donc indirecte et écrite. Les modalités du règlement des conflits seront alors étudiées. Dans un second temps, une étude des représentations sera envisagée notamment grâce à un catalogue critique des fonds bibliothécaires des chartreuses de Franconie. L´inventaire de la bibliothèque cartusienne de Nuremberg ne comporte pas moins de 600 titres, aussi bien théologiques que profanes, et démontre que les chartreux étaient des hommes cultivés, attentifs aux évolutions des mentalités.

Enfin l´étude des quelques manuscrits écrits par des pères franconiens et adressés aux laïcs devrait montrer que les chartreux vivaient dans le désert, mais restaient bien ancrés dans le monde. Erhard Groß, plus important auteur chartreux de Franconie, entra dans l´ordre des chartreux après avoir fait fortune en tant que marchand. Ce parcours, plutôt typique pour les chartreux des communautés urbaines, légitime la volonté du chartreux d´enseigner aux laïcs une pratique religieuse plus rigoureuse. Ces ermites faisaient en réalité bien partie de la société médiévale, et l´étude des représentations éclairera sans doute les événements qui accompagnèrent le passage à l´époque moderne en 1525. N´oublions pas en effet que les troubles religieux qui furent fréquents et répétitifs dans l´Empire dès la fin du XIVème siècle manifestaient la volonté des laïcs d´accéder à un meilleur enseignement religieux. Il semblerait que les chartreux ne soient pas restés sourds à ces appels, au péril parfois de leur ordre.

Les moyens offerts pour l´étude des modes de communication des chartreux à l´exemple de la Franconie sont donc bien multiples. Il s´agit tout d´abord de mettre en avant le rôle symbolique que la haute et petite noblesse donnèrent à l´ordre afin d´en faire un instrument de leur religiosité, mais aussi de comparer ce rôle à ceux qui avaient été précédemment dévolus aux autres ordres religieux déjà présents dans les diocèses de Franconie. Pour autant, si la région poursuit un projet avec les successives fondations de chartreuses, il n´en reste pas moins que c´est l´ordre, au moyen du chapitre général, qui règle la vie des communautés de la région. La visite et le chapitre général sont ici d´une importance capitale, ce sont les deux instances qui permettent à l´ordre de ne connaître aucune scission au cours de son histoire, et même de se diffuser assurément à l´intérieur des frontières du christianisme. Malheureusement une partie des sources pour cette étude institutionnelle fut consciemment détruite par l´ordre lui–même dans le souci de conserver secrètes les défaillances qui purent exister. Les cartae du chapitre général ne nous offrent qu´un aperçu épuré de ces problèmes d´observance, mais restent la source la plus conséquente pour toute l´époque étudiée. Les relations que les communautés cartusiennes de Franconie entretenaient avec leur environnement socio–politique transparaissent parfois dans les cartae, mais il est plus satisfaisant pour cet aspect de se pencher directement sur les actes de la pratique conservés par les chartreuses elles–mêmes. Enfin il est intéressant de constater que les ermites qu´étaient les chartreux prenaient part au monde par le média de l´écriture. Non seulement ils étudiaient et copiaient de nombreux volumes, très divers, mais en outre ils mettaient eux–mêmes par écrit le fruit de leurs réflexions et le diffusaient hors de la clôture. L´écrit constitue alors le devient le média d´une communication entre religieux et laïcs mais surtout le symbole du lien ermitage – monde.

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